ecopoetique

L'arole et le casse-noix

Quand la modernité m’égare

Comme un navire s’égare

Sur les flots furibonds

Au-delà de l’horizon

Il y a des lieux emplis de tendres promesses

Où trouver le courage de panser son esprit.

 

Dans le haut Queyras, bien au dessus de Saint-Veran

Quand l’air se fait plus rare

Quand le souffle devient court

Quand le chemin devient pierraille

Qu’il est bon de s’assoir aux pieds d’un Arole

Dressant fièrement ses trois frères

Comme le trois-mâts sur l’océan

Défie la colère du vent et de l’orage

 

L’arbre

A la cime obtuse

Aux rameaux verts bleutés

Exhale l’odeur sauvage de ses amandes de pives.

 

Je ne suis pas le seul à goûter sa tendre amande

Le casse-noix moucheté

Au corps brun foncé parsemé de gouttes blanches

Un masque clair sur la face contrastant

Avec son bec noir et sa calotte brune

Presque exclusivement se nourrit de ses graines

Protégées par de durs petits cônes.

 

L’oiseau ingénieux les transporte

Vers une souche d’arbre mort

Vers l’aisselle d’une branche

Pour les y coincer comme dans un étau

Et de son bec puissant en dépiauter les graines.

 

Pour l’hiver le casse-noix engrange des réserves

Dans des anfractuosités d’arbres de rochers ou de terrain

Se prêtant ainsi à la germination des graines.

 

Aux pieds de cet Arole s’agite à ma conscience

Ce à quoi je tiens le plus

Ce qui            m’importe vraiment

Ce qui            en moi fait taire l’indécente arrogance du progrès désincarné

Et tant qu’il est encore temps

Recommencer la partie même si rien n’est promis

Comme le casse-noix

Faire germer de nouveaux enchantements

Faire éclore le triomphe de la vie gorgée de devenir.

 

Villepreux, 3 mai 2022

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